Racisme et inégalités dans l’Eglise

Le mardi 3 novembre, la Commission des Eglises auprès des migrants en Europe (CEME) organisait un séminaire virtuel sur le thème « Racisme et inégalités dans l’Eglise ».

Le séminaire s’est ouvert avec trois interventions de personnes issues de l’immigration vivant en Europe. Elles ont témoigné de leurs expériences de discriminations vécues, y compris dans l’Eglise, et ont proposé des éléments pour que l’Eglise devienne un lieu où tous seraient vraiment accueillis comme des sœurs et frères égaux en Christ.

Airlington Trotman, ancien modérateur de la CEME et pasteur de l’Eglise méthodiste du Royaume-Uni, s’est réjoui que les manifestations contre les violences racistes regroupent de plus en plus de monde ; la lutte contre le racisme n’est plus considérée comme un combat de gens de couleur, mais comme une préoccupation de tous. 

Il a invité à un triple travail :

  • Travail sur la théologie : envisager l’unité des chrétiens globalement ; pas seulement au niveau confessionnel, mais entre personnes de toutes les couleurs de peau, toutes les origines géographiques, de toutes les situations sociales. Les inégalités et les injustices de tous ordres fragilisent l’unité de l’Eglise, il nous faut les combattre.
  • Travail éducatif et sur les métadiscours : la culture des sociétés occidentales est traversée par le mythe de la supériorité blanche. De nombreux auteurs classiques, y compris les philosophes des lumières, sont imprégnés de l’idée que les noirs sont inférieurs. Il nous faut apprendre (à connaître les personnes d’origine différente) et désapprendre (les préjugés, les inconscients collectifs marqués par le racisme). L’analyse de ces biais, en particulier au niveau universitaire est essentiel pour faire reculer le racisme en Europe.
  • Travail sur le vocabulaire : il nous faut développer un nouveau « glossaire » pour combattre le racisme, pour arriver à parler des gens sans les cataloguer, les enfermer dans une étiquette. Cela passe par une réflexion sur les intentions du langage et sur comment décrire une situation personnelle (l’auto-description est-elle la seule façon de décrire possible ? Comme parler des autres sans les étiqueter, les enfermer dans des stéréotypes ?). Notre langage doit refléter la valeur de l’humanité partager et ne pas enfermer ethniquement les personnes.

Harvey C. Kwiyani, maitre de conférence en théologie et christianisme africain à Liverpool, a souligné le bouleversement vécu par le christianisme en un siècle : d’occidental (donc ultra-majoritairement blanc), son centre de gravité s’est déplacé au point d’être composé aujourd’hui majoritairement de non-occidentaux de couleur. Il plaide pour penser le Royaume de Dieu comme un Royaume multiculturel. Le « Christianisme mondial » n’existe vraiment que depuis que les chrétiens hors Europe-USA ont créé des Eglises qui leur ressemblent et développé des théologies contextuelles.

Sarah Vecera, travaillant pour l’organisme missionnaire UEM en Allemagne, rapporte qu’en Allemagne, on parle de l’antisémitisme, mais que le pays ne se pense pas comme un pays colonialiste alors qu’il a eu des colonies au 19ème siècle. De plus, le racisme est vu comme un choix conscient, quelque chose de « mal », ce qui empêche d’en parler, y compris dans l’Eglise. On ne peut alors pas déconstruire les préjugés inconscients…

Les participants au séminaire ont ensuite découvert une vidéo de jeunes de couleur au Royaume-Uni interpellant « l’Eglise blanche », partageant leurs souffrances mais aussi leurs espoirs et leur volonté de s’engager afin que tous puissent vivre à égalité la communion en Christ et se sentir pleinement accueillis. 

Le webinaire s’est conclu par un temps de discussion en petits groupes dont sont ressorties les idées suivantes :

  • Il est important de témoigner sur l’impact du racisme sur ceux qui en sont victimes, pour rendre tous ceux qui ne sont pas racistes mais ne luttent pas ouvertement contre conscients de ses ravages.
  • Comment travailler cette « identité de blancs » alors que nous refusons cette catégorisation ? alors que nous pensons ne pas aborder les gens différemment selon leur couleur de peau ?
  • Comment travailler sur la dimension structurelle du racisme ? Nous sommes (presque) tous d’accord que le racisme est un péché et l’immense majorité des gens dans les Eglises condamnent les attitudes ouvertement racistes ; mais qu’en est-il des stéréotypes et des attitudes inconscientes, de la peur de l’autre ? comment travailler sur l’organisation de l’Eglise pour que tous soient représentés et pris en compte ?
  • En Esaïe 11.6-9, pour illustrer les promesses de Dieu, des carnivores sont présentés comme vivant auprès d’herbivores. Pour réaliser cela, il faut que les carnivores maîtrisent leurs instincts. De même, c’est à ceux qui sont en situation de privilège de travailler à abandonner ces privilèges pour que tous deviennent égaux…
  • Que doit-on abandonner aujourd’hui pour abandonner nos privilèges ?
  • Comment faire de l’Eglise un « lieu sûr », un lieu d’accueil inconditionnel, où les victimes de racisme puissent parler, où elles ne revivent pas ce qu’elles vivent déjà à l’extérieur ?
  • Le silence des blancs est une forme de violence (White silence is Violence).

Pasteure Claire Sixt-Gateuille, Relations internationales de l’EPUdF

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